Femmes et politique (3) Entrevue avec Gaëlle Andro, Vice-présidente de Rennes Métropole.

Gaëlle Andro est candidate à la succession de Nathalie Appéré à l’Assemblée nationale dans la 2e circonscription d’Ille-et-Vilaine aux élections législatives qui doivent se tenir en juin 2017. Elle est actuellement première vice-présidente de Rennes métropole, chargée de l’économie et de l’emploi, conseillère municipale de Rennes et conseillère départementale d’Ille-et-Vilaine (depuis 2008).

Au cours d’une entrevue, elle nous a exposé sa vision du féminisme et de la place actuelle de la femme en politique.

Les Culotté-e-s : Vous êtes vice présidente de Rennes Métropole, tout en étant chargée de l’économie, des finances, de l’innovation et du numérique.
Lorsque vous êtes arrivée à ce poste vous êtes vous sentie illégitime ou vous a-t’-on fait sentir illégitime du fait que vous soyez une femme ?

Je pense que certains doivent penser que je le suis, mais pour ma part je fais abstraction de cela. C’est un choix, c’est militant de ne pas se poser cette question.

En 2012 Nathalie Appéré était première adjointe elle est devenue députée, elle a quitté son poste. J’étais moi-même adjointe à la vie associative, ce n’était pas un poste de premier rang. J’étais en plus nouvelle élue dans l’équipe. J’ai eu une discussion avec le Maire de l’époque, Daniel Delaveau, qui m’a proposé de prendre la place de première adjointe.
Je lui ai spontanément répondu « je ne suis pas la plus légitime », face à des personnes qui avaient déjà deux ou trois mandats.
Mais à l’époque ce n’était pas le problème d’être une femme c’était un problème d’être trop jeune dans l’équipe, pas assez expérimentée en tant qu’élue pour pouvoir m’imposer en manager.

Les Culotté-e-s : Avez-vous eu le sentiment d’avoir, en tant que femme, eu plus à vous battre, plus à faire vos preuves qu’un élu masculin ?

Je fais partie des gens qui ont bénéficié de la parité. Globalement, les postes m’étaient un peu offerts, on recherchait des femmes.
D’ailleurs on cherche encore des femmes pour ces postes à pourvoir.

Nous avons néanmoins à nous battre pour nous faire une place au-delà de cette place qui est un peu « obligée », pour être respectée, pas oubliée, pour que la question de ce que vous voulez VOUS, prévale sur ce que les autres veulent pour vous.
Les femmes subissent encore le fait qu’on leur dise « tu vas faire ça », surtout en politique où on a des aspirations.

Il faut bien dire que nous ne sommes pas la projection d’autrui.
Un homme spontanément se projette sur son propre parcours sans se poser la question d’être la projection de quelqu’un.

Il y a par exemple eu un article dans « Le Mensuel » paru à Rennes sur Nathalie Appéré et Isabelle Le Callenec.
Ce qui ressortait de manière marquante de cet article était que pour raconter le parcours d’une femme, on a besoin de dire qu’elle est la projection d’un homme (Edmond Hervé pour Nathalie Appéré et Pierre Méhaignerie pour Isabelle Le Callenec).
C’est du machisme pur.

Pour réussir à dire ce qu’on veut et mettre au premier plan ses propres choix, il faut plus se battre qu’un homme.

Les Culotté-e-s : Selon vous, le milieu politique est-il fondamentalement sexiste ?

Oui il est sexiste, mais il n’est pas plus sexiste que la société dans son ensemble.
Le pouvoir est sexiste en fait, plus que la politique

Le pouvoir dans les valeurs qu’il transmet et dans ses codes est très masculin.
Avant, le pouvoir était réservé aux hommes. Aujourd’hui il est partagé parce que les femmes accèdent à des postes de pouvoir mais les codes n’ont pas changé et c’est pour ça que c’est déroutant pour des hommes au pouvoir de le partager.

A Rennes par exemple, un des espaces de l’entre-soi du pouvoir sont les loges du stage Rennais.
C’est un endroit où les relations se passent entre le politique et d’autres milieux.
Mais c’est selon un rituel qui est très masculin, on y discute foot, tout le monde doit s’y connaitre en foot car on est dans les codes acquis depuis qu’on est tout jeune garçon.
Que faire quand on est une femme ? Se mettre au foot indépendamment de son propre gout ? Ne pas y aller et s’exclure d’un espace où cela se fait ?
C’est compliqué car le code du pouvoir n’est pas précisément dans ce qu’on est, sauf à éventuellement se former. Beaucoup moins de femmes ont fait du foot étant jeunes en l’occurence.

Les Culotté-e-s- : Avez vous eu l’impression, pour gagner votre place et vous affirmer de devoir prendre des comportements masculins ? 

Non je n’ai pas fais ça.
Cela dépend surtout de l’éducation qu’on a reçu. Je n’ai pas eu personnellement à me débarrasser d’un conditionnement de petite fille ou de fille car je n’ai pas reçu une éducation genrée.
Ca peut dérouter des interlocuteurs féminins ou masculins car je n’ai pas un rapport très genré aux gens.

Les Culotté-e-s : Existe t’il des différences en ce qui concerne la place des femmes entre la sphère politique et d’autres sphères ? 

Je pense que c’est pareil partout, je ne vois pas de spécificités en ce qui concerne la politique.
Je serais tentée de dire que le milieu politique n’est qu’une représentation de ce qu’il se passe ailleurs, sans grande différence.

J’ai eu la chance d’être dans une équipe municipale féminine, Edmond Hervé avait pris l’habitude de donner des responsabilités aux femmes.

Mais j’ai été dans en même temps dans la précédente équipe départementale, c’était un milieu très masculin. Nous étions 7 jeunes femmes sur 30. Il y existait une ambiance sexiste complètement assumée.
Cela dit, cela ne m’a pas freiné.

Ce sont en fait des configurations que vivent beaucoup de femmes, dans beaucoup d’endroits et dans beaucoup de secteurs.

Les Culotté-e-s : Vous êtes chargée de l’innovation et du numérique. Selon vous, l’émergence du cyberespace a-t’-elle changé quelque chose au féminisme et aux manières d’agir aujourd’hui ?

C’est une dimension assez bouleversante de l’ensemble de la société, force est de constater que les hommes s’y investissent beaucoup plus que les femmes.

Lorsqu’on va à la French Tech par exemple, il y a des après-midi entières autour de communautés essentiellement masculines, il y a des assemblées essentiellement masculines.

On peut aussi parler du Stunfest festival, qui est un festival des cultures vidéosludiques. Lorsqu’on est sensibilisé à la question du genre et que l’on s’y rend, on constate qu’il n’y a que des hommes qui ont inventé quelque chose pour eux : le jeu vidéo.
Le sexisme est d’ailleurs très présent dans le milieu des jeux vidéos.
Il est important de faire ce genre de constat, on est dans un volet du digital très important avec beaucoup de développeurs qui s’y intéressent et cela reste malheureusement très masculin.

Les Culotté-e-s : Qu’est-ce que le féminisme aujourd’hui ?

C’est un combat d’actualité. Il y a toujours une tentation de dire que c’est terminé, qu’on a obtenu nos droits et qu’il n’y en a plus besoin. Mais nous en avons encore besoin !
Ce sera toujours un combat d’actualité, même si les formes de ce combat évoluent.

Typiquement, en politique, une fois qu’on a la parité on obtient les postes. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Il y a une dimension de ce combat en politique qui m’intéresse : je suis candidate aux législatives et je suis intéressée par le fait d’aller à l’Assemblée car j’ai le sentiment lointain d’avoir là un espace qui est particulièrement sexiste.

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Un grand merci à Madame Gaëlle ANDRO et à toute son équipe, d’avoir su nous accorder de leur temps.

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