Femmes et politique (4) Entretien avec Catherine Debroise,Vice Présidente du Conseil départemental d’Ille et Vilaine

Particulièrement sensible à la justice sociale, Catherine DEBROISE est conseillère municipale de Rennes et Vice-présidente en charge de l’insertion du département de l’Ille-et-Vilaine. Dans ce cadre, elle lutte notamment pour une insertion professionnelle équitable entre les hommes et les femmes.

Nous avons eu l’occasion d’échanger avec elle au coeur de la campagne présidentielle de 2017.

Les Culotté-e-s : Comment avez-vous été sensibilisée aux problématiques féministes ? D’où provient votre engagement ?

Catherine DEBROISE : C’est grâce à mon environnement familial : ma mère était très sensible aux questions féministes même si j’étais toujours un peu confrontée à elle car je pensais qu’elle n’allait pas assez loin dans ses engagements.
Elle s’est engagée alors qu’elle avait une quarantaine d’années pour la défense de la contraception et de l’avortement alors qu’elle avait choisi elle-même d’avoir 6 enfants.
Elle voulait une nombreuse famille et elle a eu une nombreuse famille, mais elle a voulu défendre le droit des femmes de disposer de leurs corps et de choisir leur vie.

Les Culotté-e-s : Est-ce qu’à l’époque vous aviez conscience que son état d’esprit était précurseur dans ce militantisme pour la liberté ?

Catherine DEBROISE : Tout ça me paraissait évident, j’étais jeune quand ma mère a commencé à militer.
J’ai été élevée dans cette évidence que les femmes devaient se défendre et choisir leurs vies. Malheureusement, je pense qu’en fait rien n’a changé depuis, si ce n’est que la contraception et l’avortement sont quand même maintenant ancrés dans la société.

Je pense qu’on a pas évolué autant qu’on ne l’aurait souhaité, les femmes ne doivent pas être assimilées à des rôles de domestiques et malheureusement elles le sont encore aujourd’hui.
Elles devraient avoir le choix de leurs vies et de leur profession de manière totale et elles sont encore souvent dirigées de manière contrainte dans certaines filières.

Dans ma délégation (Madame DEBROISE est conseillère départementale et vice-présidente chargée de l’insertion), je travaille beaucoup avec les référents RSA qui suivent les bénéficiaires de celui-ci et qui les orientent vers des chantiers d’insertion, des entreprises d’insertion ou encore des formations.
Je m’aperçois qu’il y a même chez les professionnels des représentations, ils ont beaucoup de mal à orienter les femmes vers des métiers « dits d’hommes ».

On ne se pose pas la question de « comment peut-on adapter un certain nombre de métiers pour que les femmes puissent y accéder ? », on s’arrête au fait qu’il existe parfois des contraintes trop importantes.

Je me suis rendu compte qu’il fallait déplacer des montagnes pour réussir à se faire embaucher en tant que femme dans certains secteurs.

Les Culotté-e-s : Au cours de votre mandat, est-ce que vous avez mis en oeuvre des moyens d’action précis pour que cela évolue ? Plus généralement, vos convictions féministes sont-elles au centre de vos priorités politiques ?

Catherine DEBROISE : Oui elles ces convictions sont au centre de mes préoccupations, j’essaie toujours de les mettre en avant.
Par exemple à l’échelle départementale, je suis en train de réviser le programme départemental d’insertion et j’ai demandé que dans le chapeau initial on ait vraiment cette volonté d’aller vers une insertion équitable.
Je ne sais pas si on peut, et si c’est souhaitable, de calquer l’insertion des hommes et celle des femmes mais en tout cas c’est important qu’on soit sur quelque chose qui permette à chacun d’aller vers une insertion qui lui convient le mieux sans considération de genre.

Les Culotté-e-s : Est-ce que vous avez régulièrement vécu le sexisme au cours de vos mandats en tant que femme politique ?

Catherine DEBROISE : Je pense avoir souffert d’une non-prise en compte de la condition de certaines femmes dans la vie politique.
Quand j’ai commencé ma carrière politique, je venais de me séparer de mon conjoint et j’avais trois enfants en bas âge. J’ai trouvé que cette question là était ignorée et même complètement mal venue, il était malvenu de venir réclamer quoi que ce soit par rapport à une situation particulière de ce type.
Les femmes qui arrivent en politique ne doivent pas amener avec elles des problématiques spécifiques de femme.
Elles doivent se calquer sur les hommes : elles se débrouillent pour s’occuper et faire garder leurs enfants, elles se débrouillent pour se libérer aux heures les pires (18h-20h30) sur lesquelles sont organisées des réunions mais où on doit aussi s’occuper des enfants.
Ce n’est pas considéré comme étant un problème car on arrange le plus grand nombre c’est-à-dire les hommes ET les femmes qui n’ont pas ou plus d’enfants à charge.

Et de la même manière sur la rémunération : quand on est dans cette situation, on a des charges de garde d’enfants, des dépenses de ce type parfois importantes qui ne sont pas prises en compte.

Les Culotté-e-s : Vous avez vécu de près la problématique des inégalités salariales à compétence et à charge de travail égale qu’on dénonce aujourd’hui, en politique ?

Catherine DEBROISE : Depuis la parité, ça n’est plus si évident puisqu’aujourd’hui on a autant d’adjointes que d’adjoints et donc les indemnités des élus sont en fonction de leur grade d’adjoint : délégués ou simple conseillers municipaux. La parité fait qu’on a des indemnités qui sont en principe égales.
Sauf que les présidents de commission sont plutôt des hommes, de nombreux conseils et administrations sont présidés par des hommes et qu’il s’agit de postes mieux rémunéré.

La disponibilité plus évidente des hommes dans leur vie politique joue également : quand on est une jeune femme et qu’on a une vie familiale, il est possible qu’on ait plus de mal à passer l’intégralité de sa vie dans la vie politique et de déléguer la vie familiale à son conjoint ou une nourrice.

Il y a eu une intention de faire évoluer les choses, régulièrement en début de mandat ces questions reviennent mais la majorité l’emporte toujours, la majorité aujourd’hui ne ressent pas ces contraintes et il y a une minorité de mères de familles qui ont du mal à s’imposer.

Les Culotté-e-s : Pensez vous que votre parcours politique aurait été différent si vous aviez été un homme ?

Catherine DEBROISE : Si j’avais été un homme je n’aurais pas fait de politique parce que je pense que je suis entrée en politique grâce à la parité.
J’avais envie de faire de la politique depuis très longtemps mais je pensais que je n’avais pas assez confiance en moi, j’avais l’impression d’une imposture en me considérant comme étant capable de le faire
D’ailleurs au début de ma carrière politique j’ai souvent eu ce ressenti : « est-ce que j’ai le droit de prétendre à ? »

Peut être que mon positionnement n’aurait pas été le même sur certaines questions.

Je pense que les femmes et les hommes à terme exerceront la politique de la même manière mais seulement quand les femmes auront réussi à dépasser un certain nombre de difficultés comme cette question de la légitimité, de la connaissance suffisante des problématiques sexistes.
D’ailleurs on voit bien que certaines femmes qui dépassent ces questions là exercent la politique comme les hommes.

Il y a une autre question qui est celle de l’ambition en politique (aujourd’hui pour faire de la politique il faut avoir de l’ambition, les places sont chères, il faut croire qu’on va apporter quelque chose, il faut croire en soi et être sûr qu’on va apporter quelque chose et qu’on est le mieux placé pour le faire).
Il y a un moment où l’on doute beaucoup en tant que femme, on se demande si on peut le faire et surtout si on a sa place.

Les Culotté-e-s : Vous semblez dire qu’un travail doit être fait en amont par les femmes dans ce domaine, est-ce que vous pensez que ce travail doit être fait par les femmes exclusivement ou que ça doit être un travail collectif et social ?

Catherine DEBROISE : Ce doit évidemment être un travail collectif.
La question du genre et de la féminité, de la masculinité sont des questions très compliquées, je ne prône pas la superposition des hommes sur les femmes.
Je prône en revanche l’égalité d’accès des femmes et des hommes à l’ensemble du panel proposé par la société et le fait d’avoir une place équivalente dans les strates de pouvoir avec des possibilités et ressources équivalentes.

Il s’agit aussi de l’harmonie aussi entre ces deux genres : avoir les mêmes possibilités d’accès à tout dans la société mais de manière harmonieuse entre les deux.
Il faut donc que tout le monde soit investi sur cette question.

Les Culotté-e-s : Pour vous, qu’est-ce que le féminisme aujourd’hui ?

Catherine DEBROISE : C’est une nécessité puisqu’on a pas réussi à résoudre grand chose aujourd’hui.
La question des relations entre les hommes et les femmes reste une question centrale, les hommes et les femmes sont englués parfois dans des relations qui sont très compliquées.

Dans la question du couple hétérosexuel par exemple, je revois avec mes enfants exactement les mêmes problématiques que j’avais à leur âge, les hommes se positionnent toujours de la même façon, les femmes sont toujours coincées de la même façon.

Je pense également que les hommes aujourd’hui ont plus de mal à se positionner mais peut être parce qu’on est sur une bonne voie ! La remise en cause du modèle patriarcal fait que les garçons ont du mal à se retrouver un autre modèle.
Et si on leur répète que le modèle patriarcal qu’on a encore aujourd’hui est caduc, à quoi vont-ils se référer ?

Pour les femmes c’est plus facile aujourd’hui : ce que je défendais quand j’étais plus jeune c’était d’avoir des modèles féminins. Aujourd’hui il existe des modèles féminins.
Les modèles que les hommes pourraient avoir sont dévalorisés puisqu’on estime qu’ils ne sont plus valables.

Malgré cela, les femmes sont encore loin d’avoir leur place. Il y a plein de domaines ou les femmes n’arrivent pas à dépasser un certain stade et ce sont toujours les hommes qui sont mis en avant.

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UN GRAND MERCI À MADAME CATHERINE DEBROISE ET À TOUTE SON ÉQUIPE, D’AVOIR SU NOUS ACCORDER DE LEUR TEMPS.

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