8 mars, chaque année c’est la même chose. Alors que l’on tente vainement de faire comprendre l’ampleur des dégâts liés au sexisme et aux violences faites aux femmes, les grandes marques, les politiques et les communes ne manquent pas « d’humour » pour nous rappeler à quel point les violences faites aux femmes ce n’est pas grave et que faire« des trucs de filles » permettront de réparer ça.
Voici quelques exemples afin d’illustrer mon propos.
Tout d’abord merci à la mairie de Paris 7ème, pour cette indispensable initiative : des ateliers beauté. Ah oui, ça va grandement faire avancer notre cause. Sinon, pourquoi ne pas essayer d’avoir plus de parité au sein du conseil municipal ?
Offrez des fleurs pour cette journée, cela fait toujours plaisir. Remarquez que le montant du bouquet sera reversé à une association… c’est toujours ça de pris.
Ici une bijouterie propose des réductions pour les journées des droits des femmes. Traduction : sois belle et tais-toi.
Nos combats sont-ils si peu pris au sérieux qu’ils ne sont réduits qu’à un seul argument marketing un jour dans l’année ? Que faudra-t-il faire pour que nos demandes soient enfin prises en considération ?
D’ailleurs pour fêter ça cette année, comme une ironie du sort, un député accusé de harcèlement sexuel a décidé de porter plainte contre les plaignantes pour diffamation.
L’excision, les mariages forcés, les contrôles exercés sur nos vies (sur nos tenues vestimentaires, notre contraception), les salaires plus bas, le manque de prise au sérieux, le fait que nous soyons constamment renvoyées à notre fonction reproductive, la culture du viol, les violences physiques, sexuelles et morales. TOUT ça et on ne nous prend encore pas suffisamment au sérieux. On nous renvoie à un argument marketing et commercial.
Alors je sais qu’on me répondra mais c’est de l’HUMOUR. Vous voulez que je vous en raconte des bonnes blagues ?
Toutes les 9 minutes dans le monde, une femme meurt des suites d’un avortement clandestin.
Pendant que j’écris cet article 20 petites filles se seront faites exciser.
Si ce n’est pas aujourd’hui, demain en France, une femme mourra sous les coups de son conjoint.
Cette année 84 000 femmes vont se faire violer ou agresser sexuellement et très souvent dans la plus grande impunité.
Le soir, lorsque je sors j’en ai marre d’avoir peur, parce que certains n’ont toujours pas compris que l’espace public appartient AUSSI aux femmes. Les femmes ont le droit de circuler librement sans avoir peur.
Des femmes souffrent le martyr durant leurs règles. On les qualifie de petites natures voire carrément de chochottes. Pourtant, elles souffrent en réalité d’endométriose une maladie grave et invalidante. Je ne développe pas sur le gros retard qu’a la France en matière de violence obstétricales et gynécologiques.
Tu veux t’habiller en minijupe, tu es une salope qui veut allumer tous le quartier. N’en parlons pas si tu as le courage d’être topless à la plage ! Tu portes le voile, tu es une femme soumise à ton mari. Dans les deux cas, quoi que tu fasses, on ne te laissera certainement pas tranquille, et encore moins on te laissera le choix de t’habiller comme tu veux. Les gens ne peuvent pas concevoir que, en tant que femme, tu puisses réfléchir par toi-même, avoir tes propres décisions et surtout faire les choses pour toi et non pour les autres. Il n’y a qu’à voir combien de temps cela a pris en France pour que les femmes aient le droit de vote, cela montre à quel point on nous prend vraiment pour des idiotes incapables de penser.
Quoi ? Comment ça c’est pas drôle ? J’en deviens cynique.
Puisqu’un schéma pour m’expliquer vaut toujours mieux qu’un long discours, je vous joins ce dessin :
Ne venez pas me dire que je me trompe de combat ! Y’en a marre d’entendre que l’on se trompe de combat, juste parce que cela vous convient pas et que vous ne voulez pas enlever la poutre que vous avez dans l’œil. « Mais c’est pire ailleurs, alors te plains pas », sérieusement parce que c’est pire ailleurs que l’on ne doit pas demander à ce que les choses changent ici.
Le sachiez-tu ? Chaque fois, qu’un type n’y connaissant strictement rien aux mouvements féministes et à la lutte que cela représente dit qu’on se trompe de combat, un bébé panda meurt étouffé par une tige de bambou. Sauvez les pandas, soyez féministes !
Parce que la défense des droits des femmes passera par la prise au sérieux de leur problème et non pas par des arguments marketings fallacieux. Je ne comprends pas que l’on puisse avoir l’indécence de proposer de telles actions lorsque l’on voit l’étendue des dégâts liés aux violences faites aux femmes.
Actuellement les femmes en France sont encore payées en moyenne 20% de moins que les hommes, et pour ce prix-là, elles ont le droit de faire 18 heures de tâches ménagères de plus que les hommes par semaine et de payer « la taxe rose ».
Cette journée renvoie encore et toujours la femme à la même place : celle d’un être futile, obsédé par son apparence, à celle d’un objet, fantasme des hommes tout juste bonne à exécuter leur bon plaisir et à rester à la maison à faire la popote, s’occuper des mômes etc…
De façon innocente, sous le couvert d’humour, on ridiculise un combat de longue haleine. Combat qui sera encore long.
Bernard Pivot a twitté aujourd’hui : « Épouses, compagnes, amantes, fiancées, amoureuses, et aussi grands-mères, mères et filles, mon dieu qu’on vous aime ! ».
J’aimerais que les hommes aiment un peu moins les femmes pour les respecter un peu plus. J’aimerais juste lire qu’on respecte les femmes.
Plutôt que de se voir assigné à un éternel rôle ou appartenance, que l’on nous voit autrement que par rapport aux hommes, que l’on nous considère en tant qu’individu à part entière dans la société.
Vous pouvez bien vous garder vos fleurs, vos journées bien-être et les promos sur les sous-vêtements. Je n’en veux pas. Je veux l’égalité salariale, je veux que ceux qui défilent aux manifs anti-choix restent chez eux cette année, je veux qu’on nous laisse tranquille et qu’on arrête de minimiser le sexisme.
Virginie
les culotté-e-s 